La prospérité d’un pays commence par la souveraineté économique

L’Agence Internationale pour le Développement Souverain (IASD) a été créée en 2019 afin d’aider les pays partenaires de la Russie, en particulier les États du continent africain, à réaliser des réformes économiques, attirer des investissements sur les marchés financiers internationaux et libérer le potentiel de croissance de la valeur actionnariale des plus grandes entreprises de la région.

La mission de l’agence consiste à améliorer la qualité de la croissance économique et à accroître le bien-être national des pays ou nous sommes présents en consolidant leur souveraineté. Nous contribuons ainsi à la création de politiques nationales et étrangères indépendantes, ce qui nécessite de l’autonomie financière et économique. Car, une véritable souveraineté s’appuie avant tout sur l’économie.

M. Malofeev, où voyez-vous des manifestations de restrictions de la souveraineté des pays africains ? Pourriez-vous entrer dans les détails ?

Une partie considérable de la dette extérieure actuelle de l’Afrique est composée des crédits octroyés par des institutions financières internationales. Le financement de la part de ces créanciers
est souvent accompagné de fortes exigences économiques envers les pays africains dans le domaine social, économique, financier et politique. Le coût réel d’un tel financement, compte tenu de toutes les charges, peut s’avérer beaucoup plus important que les taux d’intérêt déclarés.

Les crédits directs ont aussi leurs inconvénients. Ils nécessitent des gages, sont souvent accompagnés d’exigences politiques et imposent l’achat de produits et de services prédéfinis.

Les sous-sols africains sont extrêmement riches en ressources naturelles. D’après les estimations officielles, sans compter l’Algérie et la Lybie, leur valeur s’élève à 3 trillions de dollars US. De nombreuses ressources n’ont pas encore été prospectées.

Pouvez-vous citer de grandes entreprises extractives africaines ou au moins de grandes entreprises minières de la région?

Compte tenu de la disponibilité des ressources elles devraient figurer parmi les 5 leaders mondiaux. Mais le palmarès est occupé par des sociétés multinationales : Rio Tinto, Glencore, BHPBilliton, AngloAmerican, etc. Cette situation a été sciemment et artificiellement créée. C’est une sorte de colonialisme moderne ayant pris des allures économiques. Des multinationales épuisent les ressources des pays en développement et les capitalisent sur les marchés boursiers avec des multiplicateurs beaucoup plus importants. Et les pays émergents deviennent des débouchés pour les produits finis à forte valeur ajoutée et s’endettent en dollars à des taux d’intérêt élevés.

LA DÉPENDANCE VIS-À-VIS DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES ET DES MULTINATIONALES EST UNE FORME ÉCONOMIQUE DE COLONISATION DE L’AFRIQUE

Quelle solution voyez-vous ? Et selon vous, quelle est la recette de la réussite pour les pays africains ?

La Russie a connu une situation similaire dans les années 90, mais grâce au président Poutine le pays a su la surmonter. Les erreurs du passé nous ont permis d’accumuler une expérience considérable, maintenant nous sommes prêts à tendre une main secourable à nos amis africains.

La recette de la prospérité de l’économie africaine est simple. Il faut tout d’abord qu’elle accède aux marchés internationaux des capitaux et réduise sa dépendance envers les institutions financières internationales. Il faut investir dans les projets d’infrastructure qui vont booster toute l’économie.

Une partie considérable de la dette souveraine de l’Afrique peut être restructurée à de meilleures conditions en étant substituée par des émissions d’obligations européennes non garanties.

Il faut niveler le déséquilibre économique et restituer au continent africain les bénéfices de l’extraction de ses ressources minières.

Il faut créer en Afrique de grandes sociétés publiques et privées, renforcer leur capitalisation et leur attractivité pour les investisseurs, consolider les actifs pour en faire des centres autonomes d’attrait des capitaux. Afin d’accélérer l’accès aux marchés internationaux des capitaux on pourrait réunir les actifs publics les plus importants sous le «parapluie» d’un fonds pour le bien-être national, une autre forme d’emprunteur quasi-souverain.

En profitant des ressources financières que nous les aurons aidé à faire venir, les pays africains pourront exploiter eux-mêmes leurs gisements de ressources minières. Les technologies et l’expertise sectorielle manquants devront être achetées, mais cela coûtera des millions et non pas des milliards.

POUR CRÉER UN « MIRACLE ÉCONOMIQUE AFRICAIN » IL FAUT SORTIR PLUS ACTIVEMENT VERS LES MARCHÉS INTERNATIONAUX DES CAPITAUX ET INVESTIR DANS LES INFRASTRUCTURES

Vous venez de parler d’infrastructures. D’après vous quels sont les projets africains qui nécessitent une attention particulière?

Avant tout je citerais l’énergie électrique et les transports comme fondement pour la croissance économique qui exercent un effet positif à long terme et donnent toujours une forte impulsion à d’autres branches.

Dans la zone subsaharienne les tarifs industriels de l’énergie électrique atteignent 20-50 cents US le kilowattheure, tandis que le tarif moyen mondial est de 10 cents US. L’Afrique couvre 20% des terres émergés pour 17% de la population mondiale. Cependant ce continent énorme ne dispose que de 7% des chemins de fer existants.

Tout cela réduit le niveau de compétitivité de l’Afrique par rapport à d’autres régions du monde. Corriger la situation nécessite des investissements importants dans la modernisation des infrastructures existantes et la construction de nouvelles infrastructures.

En outre, il est nécessaire d’investir dans les télécommunications, d’élargir la couverture et d’accroître la pénétration d’Internet. Parallèlement au développement du système des transports cela doit permettre de réunir les conditions nécessaires à l’épanouissement de l’économie numérique et contribuera à réduire le chômage.

LE POTENTIEL D’ENDETTEMENT ACTUELLEMENT NON UTILISÉ PAR LES PAYS AFRICAINS DÉPASSE LES 100 MILLIARDS DE DOLLARS

Dans quelle mesure la situation actuelle est-elle favorable pour attirer les investissements pour les pays africains sur les marchés financiers internationaux?

Actuellement les marchés financiers occidentaux connaissent des taux d’intérêts proches de zéro. Un quart du marché obligataire mondial, ça veut dire environ 15 trillions de dollars US, ont un rendement négatif. Dans ce contexte, l’appétit des investisseurs pour les instruments financiers africains est très important.

Ces dernières années en Afrique nous constatons une hausse des émissions d’euro-obligations souveraines, mais cela ne suffi t pas. Les obligations ne constituent qu’un tiers de la dette extérieure actuelle et la majorité des pays africains n’ont toujours pas d’accès à cette source de capital.

On connait l’opinion répandue selon laquelle les pays africains sont surchargés de dettes. C’est une erreur basée au multiplicateur classique «Dette/PIB» Nominalement pour les pays subsahariens cet indicateur avoisine les 50%. Toutefois, pour certaines causes, notamment les prix de transfert et le report de points de profit de l’Afrique vers les marchés occidentaux, le niveau réel du PIB est beaucoup plus élevé que celui utilisé dans ces calculs.

Le potentiel d’emprunt actuellement non utilisé par les pays africains dépasse les 100 milliards de dollars et permet de re-financer à des conditions moins lourdes plus de 200 milliards de dollars de dette existante. Ces ressources peuvent être utilisées pour résoudre des problèmes d’infrastructure clés tels que la construction de voies ferrées, d’installations électriques, etc.

Quels sont les pays africains qui travaillent déjà avec l’Agence? Quels sont les premiers projets à attendre?

Nous sommes en phase avancée de négociations avec plusieurs pays africains, avant tout en Afrique centrale et occidentale. Nous n’allons pas divulguer de détails, mais on compte annoncer très prochainement la première transaction, à savoir l’organisation de placement de la dette souveraine pour l’un de ces pays africains. Le placement-même est prévu pour le début de l’année 2020.

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