En Guinée, le Premier ministre annonce un référendum et des élections présidentielle et législatives en 2025
La Guinée organisera des élections présidentielles et parlementaires cette année.
Le Premier ministre, Amadou Oury Bah, a fait cette annonce lundi lors d’un discours à l’Africa CEO Forum à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
Ces élections devraient marquer la fin de la transition militaire en cours.
« Le référendum constitutionnel aura lieu le 21 septembre, et les élections législatives et présidentielles se tiendront en décembre », a-t-il révélé.
« On n’a pas arrêté de date, mais tout est fait pour que ça se tienne à la fin de l’année, en décembre », a-t-il précisé.
« Tout le monde est mobilisé pour l’enrôlement (électoral) un peu partout, aussi bien à l’intérieur du pays que dans la capitale, parce que c’est cela qui sera décisif. C’est par ce biais là que le fichier électoral sera constitué », a indiqué M. Bah.
Toutefois, les dates annoncées pour les élections reste provisoires jusqu’à ce qu’elles soient officialisées par un décret présidentiel.
M. Bah a cherché à rassurer les investisseurs dans un contexte d’instabilité politique croissante dans ce pays d’Afrique de l’Ouest depuis le coup d’État de 2021 contre l’ancien président Alpha Condé.
Ce n’est pas la première fois que la junte annonce des élections pour cette année.
En mars, face à la presse, le chef du gouvernement guinéen avait annoncé un référendum et des élections présidentielle et législatives en 2025.
Une année où, selon Amadou Oury Bah, « le retour à l’ordre constitutionnel sera effectif » dans le pays.
La junte au pouvoir depuis 2021 avait manqué à son engagement de rendre le pouvoir aux civils en 2024.
Au cours d’une conférence de presse à Conakry, Amadou Oury Bah avait également précisé que « le timing est en train d’être étudié. La principale difficulté que nous devons surmonter, c’est la Constitution et le fichier électoral ».
Il avait alors indiqué avoir demandé au ministère de l’Administration territoriale de convoquer un Comité de pilotage « pour que toutes les parties prenantes puissent être informées » et « se concerter sur les périodes permettant d’organiser le référendum et les autres élections majeures ».
Pourtant, le 30 janvier, le porte-parole du gouvernement avait émis, devant des journalistes lors d’un déjeuner de presse, des doutes sur la possibilité d’organiser une élection présidentielle cette année.
Sous pression internationale, la junte s’était initialement engagée à organiser un référendum constitutionnel et à transférer le pouvoir à des civils élus avant fin 2024, mais aucune de ces promesses n’a été tenue.
Cacophonie gouvernementale ?
Le général Mamady Doumbouya avait déclaré dans son discours du Nouvel An que 2025 serait « une année électorale cruciale pour achever le retour à l’ordre constitutionnel ». Les autorités n’avaient jusqu’alors donné aucune indication de calendrier.
Il précisait alors qu’à l’initiative du Conseil national de la transition (CNT), « une vaste campagne de vulgarisation et d’appropriation de l’avant-projet de Constitution est en cours dans tout le pays ».
Mamady Doumbouya annonçait également sa volonté de recueillir l’avis d’un panel d’experts guinéens sur l’avant-projet de Constitution afin de disposer d’une Constitution solide.
« Dès le premier trimestre de l’année 2025, je signerai un décret fixant la date du scrutin pour le référendum constitutionnel après l’élaboration du code électoral », ajoutait le général Doumbouya.
L’objectif de toutes ces étapes était clairement défini : « continuer à poser les jalons forts pour des élections générales, dans des délais qui assurent une organisation sans faille » durant l’année 2025.
Dans cette même logique, début janvier, le porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo avait indiqué que le pays ouest-africain pourrait organiser des élections présidentielle ou législatives cette année, après un référendum qui se tiendrait « probablement en mai ».
Mais monsieur Diallo avait quelques semaines plus tard qu’il serait « impossible de réaliser toutes les élections en 2025 ».
Il a précisé que le processus débuterait par un référendum constitutionnel qui aurait lieu « avant la fin du premier semestre ».
C’est un préalable, car, pour l’heure, la Guinée ne dispose pas d’organe chargé d’organiser les élections, puisque toutes les institutions avaient été dissoutes en 2021 lors du coup d’état.
« On ne peut pas, à ce stade, parler de l’organe de gestion des élections dans le pays alors que la Constitution doit créer cet organe », explique Gaoual Diallo.
Pour lui, il faut d’abord un cadre juridique pour encadrer l’organisation du référendum constitutionnel.
« Et une fois la Constitution adoptée, elle va décliner les différentes institutions et lois organiques qui vont être issues d’elle pour permettre d’aller », ajoute-t-il.
Le porte-parole du gouvernement justifie également cette impossibilité par la forte pluviométrie en Guinée entre les mois de juillet et septembre, avec des pluies torrentielles et des inondations, ce qui empêcherait une bonne organisation des scrutins.
Gaoual Diallo garde cependant l’espoir d’organiser « peut-être deux grandes élections majeures cette année », sans préciser lesquelles.
« En trois mois on peut tenir l’ensemble des élections »

Les groupes de défense des droits ont accusé les autorités de transition d’avoir plutôt réprimé les voix dissidentes qui réclamaient un retour à un régime civil.
Bien que les militaires dirigés par le général Mamady Doumbouya aient initialement promis de remettre le pouvoir aux civils avant la fin de la transition, un projet de constitution élaboré par la junte en juillet de l’année dernière n’interdit pas au chef du coup d’État de se présenter aux élections présidentielles.
Les critiques dénoncent une manœuvre visant à prolonger le séjour des militaires au pouvoir, en facilitant une éventuelle victoire du chef de la junte dans les urnes.
La junte a dissous certains partis d’opposition et suspendu deux anciens partis au pouvoir.
Elle a également engagé des poursuites judiciaires contre le président évincé et plus de 180 fonctionnaires de son régime accusés de corruption, ce qui contraste fortement avec la promesse du général Doumbouya de ne pas se livrer à une chasse aux sorcières politique.
Selon Rafiou Sow, membre des forces vives de la nation, la Guinée peut organiser toutes les élections inscrites dans son agenda politique en 2025 avec une volonté politique réelle.
« Nous pensons que s’ils sont de bonne foi, en trois mois on peut tenir l’ensemble des élections ; l’élection présidentielle, les élections communales et les élections législatives peuvent se tenir en même temps et le même jour, si on est de bonne foi », estime-t-il.
Le membre des forces vives de la nation pense que le double discours du gouvernement reflète « la mauvaise foi des autorités » qui, selon lui, n’ont pas l’intention d’organiser ces élections. L’objectif étant de se maintenir au pouvoir.
Même réaction au sein du Parti socialiste de Guinée. Son premier secrétaire, Thierno Bayo Saïdou, affirme que les autorités actuelles de la Guinée « ne veulent pas aller aux élections ».
Bayo Saïdou pense que la Guinée peut tenir le pari d’organiser toutes les élections cette année.
« Sur le plan matériel, il n’y a pas de problème. Sur le plan des compétences, on a des gens formés aujourd’hui qui ont fait au moins deux à trois élections, qui savent ce que c’est », déclare-t-il.
Pour lui, il suffit simplement d’une décision politique pour enclencher le processus.
Sortie de crise…
Pour une organisation réussie des élections en Guinée en 2025, l’opposition suggère une mise en place d’un « cadre de dialogue pour réviser la Constitution de 2010 et la proposer pour un référendum ».
En outre, Bayo Thierno Saïdou suggère d’aller aux élections avec le fichier électoral de 2018. Précisons que ce fichier avait été contesté puis accepté par l’opposition après les audits de la CEDEAO et de l’OIF.
Rafiou Sow renchérit en ajoutant « qu’il faudrait se référer à l’ancien fichier électoral et organiser ces élections, mais autour d’une table, que ce cadre de dialogue décide de la mise en place d’un organe chargé des élections. »
Le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, comme d’autres partisans du général Doumbouya, a précédemment apporté son soutien à une éventuelle candidature présidentielle du chef de la junte.
Mais le général Doumbouya, qui a depuis prêté serment comme président, a réitéré à plusieurs reprises son engagement à ne pas se présenter.
- Chérif Ousman MBARDOUNKA
- Journaliste-BBC Afrique