Économie / La fiscalité passée à la loupe de Docteur KABA Kerfalla

L’impôt est un versement obligatoire et sans contrepartie aux administrations publiques. Il sert principalement à financer les dépenses publiques et peut constituer également un moyen de régulation de l’activité économique, c’est à ce titre que les impôts sont importants dans la vie de la nation. Ils doivent donc être justes pour être acceptés de tous. Ils sont plus justes lorsqu’ils financent des dépenses justifiées. Et surtout lorsqu’ils sont justement et effacement collectés.

Le niveau de prélèvement obligatoire par rapport au PIB de notre pays est loin d’être satisfaisant car il est trop bas. C’est insuffisant pour financer les grands projets de services publics,  la santé, l’éducation,  la sécurité. Nous comptons toujours sur des dons et l’endettement pour financer ces projets. 

Certaines prescriptions demandent une augmentation sensible des taux de prélèvements obligatoires  en oubliant que cela conduirait à nuire au pays car une grande part de l’impôt repose sur l’économie formelle. Les impôts rapportés à ce seul secteur exerceront une pression fiscale sans précédent. 

Puisque les taux nominaux sont explosifs pour éviter de freiner fortement la croissance, nous avons trouvé les exonérations fiscales comme remède. Ces exonérations sont attribuées avec une telle opacité qu’elles mettent à mal le CGI le rendant illisible et incompréhensible. Le plus dramatique dans cette histoire c’est qu’on laisse la porte ouverte à la corruption à tous les niveaux,  des services douaniers aux services fiscaux. C’est justement cette fiscalité à deux vitesses qui fait prospérer le secteur informel.

Le taux de recouvrement reste encore très faible. 

Quelles sont les raisons :

La faible capacité de l’administration des impôts dans notre pays est à l’origine de sa contreperformance en matière de mobilisation des ressources fiscales pénalisant ainsi tout le processus de développement socioéconomique. Cela veut dire implicitement que tant qu’il existerait des dysfonctionnements remarquables au niveau des structures organisationnelles des impôts tant au niveau du pilotage qu’au niveau opérationnel, notre politique fiscale ne serait jamais au même diapason que notre politique de développement macroéconomique envisagé.

Ainsi, il convient tout d’abord d’expliquer aux uns et aux autres les objectifs d’une politique fiscale.

En 1959, dans un ouvrage  devenu un classique de l’analyse économique, Richard Musgrave donnait la définition désormais canonique des fonctions de l’État au nombre de 3.

* L’allocation et la production de biens publics naissent du caractère socialement insatisfaisant ou sous optimal du fonctionnement des marchés notamment du fait de la présence d’externalités.

* L’équité et la justice distributive visent en particulier à corriger les inégalités engendrées par la répartition primaire des revenus, dans le sens de la justice sociale.

* La stabilisation et la politique macroéconomique sont essentiellement tournées vers la lutte contre l’inflation et le chômage et pour relancer l’activité en situation dépressive.

Si la politique budgétaire peut se définir comme l’ensemble des actions menées par les pouvoirs publics ayant un support financier, qu’il s’agisse de dépenses ou de recettes, alors la politique fiscale n’est que l’une des dimensions de cet ensemble. Ce faisant, elle articule les aspects économiques et les dimensions juridiques des prélèvements obligatoires.

Il s’ensuit que l’on peut décomposer l’intervention de l’impôt dans l’activité publique à partir de trois fonctions.

A- Le financement des dépenses publiques

Le financement des dépenses publiques est habituellement considéré comme la principale fonction des prélèvements obligatoires. En conséquence, l’impôt doit correspondre aux services rendus, c’est-à-dire au paiement de l’État pour la protection des droits qu’il dispense. Il devient évident qu’il doit y avoir équivalence entre l’utilité que retirent les citoyens des services publics qu’ils consomment et le « prix » fiscal qu’ils acquittent. 

B- La redistribution

La redistribution vise à corriger les inégalités de la répartition des revenus et des richesses. Elle peut prendre une forme monétaire ou non monétaire. Traditionnellement, on distingue deux dimensions de la redistribution. 

Ø La redistribution horizontale opère des transferts qui ne sont pas motivés par la hiérarchie des revenus. Il s’agit donc soit d’opérations intervenant entre ménages situés dans la même strate de revenus, soit d’opérations fondées sur d’autres critères que le revenu. La protection sociale répond le plus souvent à ce type de problématique.

Ø Quant à la redistribution verticale elle prend en compte la hiérarchie des revenus et cherche à en réduire les inégalités, l’impôt progressif sur le revenu. 

C- Régulation de l’activité économique, stabilisation, Incitations fiscales et manipulation des comportements.

Pour contrôler l’équilibre macroéconomique, assurer la croissance et tendre vers le plein emploi, mais également manipuler les comportements des agents économiques, occupent une place de plus en plus importante dans les politiques fiscales. L’interventionnisme fiscal est pratiqué de plus en  plus pour décourager les activités nuisibles ou encourager les activités socialement appréciées de manière positive.

Le problème en guinée nous voulons déconnecter la question fiscale de la question budgétaire en raison de l’orientation de notre politique budgétaire vers les ressources naturelles.  C’est une erreur. La fiscalité doit rentrer dans les mœurs. À titre d’exemple : un salarié du privé qui opte pour l’informel donc renonce à être déclaré ne payant aucune cotisation sociale ni impôt sur le revenu qui grèveront son salaire brut devra abandonner définitivement la possibilité d’accéder,  un jour à une retraite,  ou à un centre de santé décent qui suivra les soins de sa famille tout le long de sa vie salariale à travers une mutuelle.

Voyez-vous pourquoi il est particulièrement important de combattre la corruption dans l’administration, c’est la première cause de la faiblesse du service public ce qui démotive fortement la population à payer l’impôt. Nous avons tant besoin de services publics et d’infrastructures de base que notre intérêt est de rompre avec ces pratiques et ces scénario perdants.  Nous devons repenser l’organisation de l’administration fiscale accompagnée d’une certaine expertise sur les orientations de la politique budgétaire.  Nous avons donc besoin d’un nouveau pacte social dans lequel les impôts reposeraient sur un principe simple.  Peu coûteux à collecter, incluant le secteur informel et toute la population avec des taux bas et peu d’exonération. 

La plate-forme E-tax doit évoluer pour prendre en compte notre réalité afin de  permettre aux concitoyens de payer les impôts sans harcèlement et sans douleur à un niveau acceptable au regard des revenus c’est cela la fiscalité moderne.

Pour amorcer son développement, la Guinée devra mettre en place un certain nombre d’infrastructures de base, accroitre les investissements publics et mettre en place de véritables structures pouvant impulser une dynamique de croissance. Pour accomplir ces prouesses, le fondamental est d’accroitre les recettes internes et surtout fiscales afin d’avoir suffisamment de ressources financières. C’est dans cette optique et afin d’améliorer le cadre global de son développement socio-économique que le gouvernement guinéen a mis en œuvre un vaste programme de réformes économiques et financières soutenu par les partenaires bi et multilatéraux de développement ; la banque mondiale et le FMI. À l’issu de ces réformes entreprises pour optimiser le rendement des impôts et des taxes pour couvrir les dépenses publiques, en raison de l’insuffisance des recettes minières, des rentrées douanières, de l’instabilité des investissements étrangers et de l’aide au développement de nouveaux impôts ont été institués. En dépit des performances encourageantes enregistrées, il existe assez d’obstacles à franchir dans le cadre de la mobilisation des recettes fiscales pour atteindre l’objectif de placer les pays sur la voie de la croissance et du développement. Il s’avère impérieux d’assurer une mobilisation efficiente des recettes internes pour financer sur fonds propres, les politiques de réduction de la pauvreté, réaliser des investissements productifs et créateurs d’emplois. Ainsi, seront conciliés les impératifs budgétaires avec les exigences économiques. Il est donc essentiel de trouver l’équilibre entre un régime d’imposition favorable aux entreprises, aux investisseurs et un niveau d’imposition dégageant suffisamment de recettes pour financer les investissements publics qui contribuent au développement local et à l’attractivité des économies.

Docteur KABA Kerfalla, Économiste résident en France

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Facebook
Facebook
YouTube
%d blogueurs aiment cette page :