Libérez la transition du poids des ambitions et des mailles de la division !
Depuis le début de la transition, nous en sommes au troisième Premier ministre : un premier, un deuxième, puis un autre maintenant. Un espoir sans cesse renouvelé de trouver l’oiseau rare. Le tout premier et son proche successeur ont bénéficié de l’excuse de l’inexpérience, de l’apprentissage, et sans doute aussi de la bonne foi et de l’innocence immaculées. Le dernier en date semblait le mieux préparé pour la fonction, même si l’on ne lui connaissait pas d’aptitudes particulières, ni ne se souvenait de ses performances dans l’administration publique, ni n’avait fait ses preuves dans des fonctions d’État quelconques auparavant.
Aucun essai concluant. Mais les préjugés complaisants et les clameurs publiques lui ont accordé la faveur des pronostics. Tel est l’inconvénient des réputations surfaites et de l’apparence trompeuse des mythes errants.
Au pied du mur, mille fois hélas, on n’a pas reconnu le maçon réputé brillant et capable. Une « fausse valeur » ?
L’homme semble plus préoccupé à solder de vieux comptes et à préserver son fauteuil au prix de sa crédibilité, qu’à œuvrer pour un dialogue sincère entre les acteurs qui comptent, à rapprocher des positions trop éloignées ou encore à militer pour un climat politique et social apaisé. Voilà que l’on assiste à une escalade qui relève du dialogue de sourds et rend toute réconciliation impossible. Gouverner, ce n’est pas se répandre dans les médias, se lamenter, ni rechercher sans cesse des boucs émissaires à jeter en pâture à l’opinion.
Si ce ne sont pas de « lourds passifs » invoqués à chaque catastrophe, comme un aveu de faiblesse et d’impuissance, ce sont des reniements hallucinants que l’on tente de justifier par un « contexte ayant évolué », ou l’immobilisme qu’on attribue à des récalcitrants, véritables empêcheurs de tourner rond, venant, comme par hasard, des rangs d’anciens amis, alliés, partenaires, soutiens, voire bienfaiteurs.
En politique comme dans la vie de tous les jours, il n’est pas rare de voir mordre la main qui a donné à manger. On n’en dira pas plus, par élégance et pudeur, en attendant…
Mais nul ne doit se convaincre de la loyauté d’un homme qui se contredit, se déjuge et se renie sans sourciller, au gré du vent et de la situation du moment. Ça n’arrive pas qu’aux autres. Un homme averti…
Anticiper, agir et assumer, quoi qu’il advienne et quoi qu’il en coûte, voilà l’art de gouverner, voilà ce qui caractérise les grands hommes.
En guise d’expérience gouvernementale, un strapontin de ministre de la Réconciliation nationale pendant… six mois, à peine. Ceux qui ont siégé au gouvernement avec cet homme, qui s’est toujours voulu le premier de la classe, le plus intègre de tous, avant sa récente promotion fulgurante, avaient déjà eu un aperçu des tâtonnements actuels et du zèle d’aujourd’hui. Chassez le naturel, il revient au galop !
GOUVERNEMENT, LE TEMPS DES RÈGLEMENTS DE COMPTES ?
En tout cas, depuis qu’il est entré à la Primature, miraculeusement promu Premier ministre, par malheureuse coïncidence, hasard de calendrier ou signe divin, le pays broie du noir et est confronté à des malheurs sans précédent. Pour la première fois de son histoire, on ne voit pas la couleur et on ne sent pas l’odeur de l’argent, en raison d’une persistante crise dite de liquidités. Aucune solution en vue : uniquement du verbiage stérile et de fausses promesses. Que de mauvaises nouvelles !
Napoléon Bonaparte, chef militaire comme celui qui dirige le pays en ce moment, posait une question rituelle avant toute nomination, superstitieux devant l’éternel : « A-t-il de la chance ? ». Il avait raison, car comme le rappelle l’adage : « Le chanceux arrive à tout, au malchanceux il arrive tout ».
La transition souffre d’une « constellation de mauvaises étoiles et d’ondes négatives » qui en a brisé l’élan et compromet les chances de succès. Les agendas personnels cachés empiètent sur le calendrier national et contrarient la réalisation des aspirations initiales salutaires. L’on avance masqué, n’excelle et n’existe que dans les adversités créées et entretenues, ne brille que dans la confusion. On divise et oppose alors qu’on devrait consacrer son énergie, ses talents et ses compétences, si tant est qu’on en ait, à relever des défis importants et à surmonter des difficultés ardues qui se posent à la nation.
Mais c’est comme si beaucoup de décideurs actuels, cooptés ça et là, avaient enfin l’occasion de se venger, à tout prix et par tous les moyens, d’un destin à retardement ou d’une réussite tardive. L’obsession d’abattre des hommes avec lesquels il existerait des contentieux domine le désir ardent de combler des espérances fortes.
Si cela peut satisfaire des egos froissés, panser des blessures béantes, apaiser des rancœurs tenaces, atténuer des frustrations intimes, en rien les ressentiments des uns et les agissements des autres ne profitent au régime, ni ne font avancer la Guinée. On pourrait se demander : qui roule pour qui ? Qui se joue de qui ? Doit-on faire subir au pays le choc des ambitions et les querelles de personnes ?
Les guerres fratricides et les conflits internes aux partis contribuent-ils à une paix durable ou alimentent-ils plutôt des tensions inutiles ?
À celui qui en a le pouvoir et sera seul comptable demain, de lever toutes les hypothèques sur son projet et de se libérer de toutes les pesanteurs qui lui compliquent la tâche et la vie. Georges Wolinski crévait l’abcès : « Un Premier ministre responsable doit accepter d’être impopulaire. Mais un Président responsable peut-il accepter un Premier ministre impopulaire ? »
On pourrait s’interroger encore : un Président qui se veut proche de son peuple et aspire à la tranquillité personnelle et à la stabilité politique et sociale pour son pays, doit-il traîner comme un boulet un Premier ministre et un gouvernement qui lui causent plus d’ennuis qu’ils ne lui apportent de solutions, qui provoquent et amplifient les crises au lieu de les prévenir et les résoudre ?
Tibou Kamara