Mobilisée contre le troisième mandat d’Alpha Condé, la diaspora guinéenne ne votera pas dimanche
La détérioration de la vie politique a provoqué le départ de milliers de jeunes au point que la Guinée est à ce jour le deuxième pays de provenance des demandeurs d’asile en France.
Les Guinéens de France ne pourront vraisemblablement pas voter ce dimanche 18 octobre. Selon Abdoulay Bah, président de la Coordination des associations guinéennes de France (CAGF) qui a suivi de près ce dossier, c’est la crise sanitaire qui empêche la tenue des élections. Dans la diaspora des 45 000 Guinéens, on estime que cette excuse permet avant tout de « museler » l’expression de ces citoyens de l’étranger.
Depuis l’annonce fin août de la candidature d’Alpha Condé à un troisième mandat, des voix en Guinée et dans la diaspora s’élèvent pour dénoncer ce coup de force. La Constitution limite en effet le nombre de mandats présidentiels à deux, mais avec l’adoption en début d’année d’une nouvelle Loi fondamentale, le chef de l’Etat maintient la limitation en remettant les compteurs à zéro.
A Paris, les protestations s’enchaînent depuis plusieurs semaines contre cette « élection antidémocratique » et « anticonstitutionnelle ». La dernière, le 10 octobre a permis à une cinquante de personnes, dont beaucoup de jeunes, de crier une nouvelle fois leur opposition à ce troisième mandat. Des adhérents du Front national de défense de la Constitution (FNDC) et de l’Alliance des forces patriotiques pour une Guinée libre (AFPGL) ont pris successivement la parole pendant quatre heures pour demander au « professeur Condé » (l’un de ses surnoms) de se retirer de l’élection pour le bien du pays. « Il ne peut plus rien apporter au pays, assène Mamady Bangoura, coordinatrice du FNDC-France. Si vous voyez l’état de nos hôpitaux, j’ai honte. »
Le chef de l’Etat a « déçu » les siens
Très politisés, ces Guinéens de Paris se sentent « trahis » par Alpha Condé « qui a fait partie pendant quarante ans de notre diaspora », argue Mme Bangoura. Ancien opposant historique qui a longtemps vécu en France, le chef de l’Etat guinéen a « déçu » les siens, lui qui avait promis une nouvelle ère à son pays. « Voilà pourquoi notre salive est amère », ajoute Mamady Bangoura qui, comme d’autres, estime que c’est le rôle de la diaspora de dénoncer les agissements du chef de l’Etat.
« Nous sommes là pour soutenir et encourager nos compatriotes restés au pays. Car là-bas, ils ont peur des représailles et d’être mis en prison. En France, nous vivons dans un pays de droit où nous pouvons librement nous exprimer », poursuit Campel Cissé, secrétaire exécutif de l’AFPGL. Oury Kandé, 21 ans, a plusieurs fois manifesté contre Alpha Condé. « Je continue de me battre ici, explique le jeune homme. Mais je lutte pour les amis restés là-bas et les futures générations. Pas pour moi. Je ne retournerai jamais plus en Guinée. »
Deuxième nationalité à demander l’asile
C’est cette détérioration de la vie politique de son pays qui l’aurait poussé à quitter Conakry et rejoindre la France en février 2018 après plus d’une année de voyage à travers le Sénégal, la Mauritanie, le Maroc et l’Espagne. Une fois à Paris, il a déposé une demande pour obtenir le statut de réfugié.
Comme Oury, plus de 4 000 Guinéens, souvent jeunes, ont fait une demande d’asile selon l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) depuis le début de l’année. « C’est même la deuxième nationalité à demander l’asile en France, juste derrière les Afghans », ajoute l’OFII. En progression constante depuis 2016, comme le rappelle l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra).
Le monde