Être une icône en Guinée est-il une malédiction ? (Par Sita CAMARA)

Nos icônes sont-elles nos sacrifices comme un mouton livré pour la Tabaski ? De la gloire à la mendicité, c’est ce qu’elles sont les icônes en Guinée. Est-ce la malédiction du pharaon ? Cela nous rappelle d’une expression sépulcrale de Jeanne Macauley des Ballets Africains qui traine encore au quotidien, son squelette de misère de Fotoba à Kaloum. Je cite : « Au lieu de nous traiter, ils nous ont retraité (…) ». Fin de citation.

Ce péché mignon des guinéens doit être réparé. 5 millions GNF comme rémunération mensuelle pour les anciennes gloires, c’est salutaire comme idée. Mais comparer ce montant à des milliards qui sont chaque fois détournés par les cadres véreux tapis au sommet de l’administration publique, c’est judicieux d’en faire plus.

N’attendez pas que nos icônes décèdent pour venir les honorer sous fond de symposiums en fanfare, de drapeaux sur leur cercueil, c’est perfide. Pour preuve, quelle place occupe aujourd’hui la culture ou le football guinéen dans le monde ? C’est décevant ! Alors, allons-nous prosterner devant les tombes de nos illustres, et réparons nos fautes.

Dans quelles situations sont morts, Kerfala Kanté, Kadé Diawara, Manfila Kanté et beaucoup d’autres ? Allez-y voir comment vivent Papa Kouyaté à la Camayenne, Sékou Bembeya, Jeanne Macauley, Sékou le “Gros” Camara de Bembeya Jazz National et d’autres anciens footballeurs etc. C’est triste ! Ils se sont saignés pour la nation, ils se sont mouillés pour la patrie. Oui ! N’est-ce pas, le pays leur est redevable à vie.

Et si l’État construisait une grande cité pour les anciennes gloires ? Belle proposition ! On pourrait peut-être la baptiser « LA CITÉ DES ICONES » comme le « BLOC DES PROFESSEURS » ou « CITÉ MINISTÉRIELLE ».

Dans une interview accordée à  ©AFROGUINÉE, feu Kadé Diawara disait en larmes. Je cite : « Après le décès de mon mari, je traverse une vie pitoyable. Je loge dans une maison de l’État à Coléah. Tout récemment, ils ont voulu me chasser de là-bas, mais, il a fallu l’intervention de la Première Dame de la République, Hadja Djènè Condé pour qu’on me laisse tranquille. Aujourd’hui, il me faut aller quémander dans les cérémonies ou dans les bureaux pour avoir de quoi manger. Donc, je vis de ça…Je demande au peuple de Guinée de me venir au secours, je mérite plus que ça… ».

Un autre témoignage plus troublant, est celui de Jeanne Macauley que nous avions interrogé. Lisez : « Je travaille ici à Conakry, mais je dors à Fotoba derrière Kassa (sur les îles de loos), je suis obligée chaque matin de prendre une barque, ou un petit bateau pour arriver à Kaloum. J’ai marché fatiguée, j’ai plusieurs fois écrit à l’Etat pour m’aider au moins, à avoir un logement à Conakry ici, mais, il n y a pas eu de réponse. Rien !”. A-t-elle regretté avant de nous exprimer sa déception : “Je suis déçue du peuple guinéen. Quand on me voit passer, tout le monde cri, oh ! Mama Jeanne Macauley, l’artiste du peuple ! La femme de fer ! On se limite là-bas, personne ne vient au secours. Quelques fois même, quand je tombe en panne sur la route, ou en crise d’essence, tout le monde vient me dépasser. Je suis vraiment déçue ». 

Une leçon donc pour la nouvelle génération

Certes, c’est difficile désormais en Guinée, de trouver des artistes à la carrure de Sory Kandia Kouyaté, Aboubacar Demba Camara, Kadé Diawara, mais de nouveaux talents y abondent chaque jour. Parmi eux, il y’en a qui s’en sortent mieux : succès, opulence, voyages de rêve, célébrité. Pleins aux as, mais ces jeunes artistes doivent aussi penser au futur. Un futur où le charme les lâcherait, où leur succès s’effriterait. Jamais, ne comptez pas sur un État qui a hypothéqué son riche patrimoine culturel : les maisons des jeunes transformées en de centres commerciaux.

C’est stupide de compter sur un État qui est incapable de construire pour sa jeunesse un palais de la culture ; un État qui depuis après la première république a fait disparaître les Orchestres Nationaux et abandonner son patrimoine historique ; un État qui ne pense jamais à subventionner les grands projets culturels ; un État qui est incapable de protéger les œuvres artistiques contre la piraterie ; un État qui distribue des miettes comme droits d’auteur aux artistes; un État qui laisse ses glorieux passer leur vie au trépas sous le poids d’une profonde misère. En gros, un État en manque criard des vraies politiques de développement culturel. Ne comptez !

D’ailleurs, où est passé ce fameux projet, Assurance, Couverture Maladie pour les artistes signé en juin 2013 entre la compagnie NSIA et l’Agence Guinéenne de Spectacles (AGS) ? Qui sait ?

Où sont passés les 400 millions GNF offerts par le Président Alpha Condé lors du lancement officiel de la 15è édition du FENAC (Festival National des Arts et de la Culture) pour assurer la Couverture Maladie des artistes ? Autant de questions que nous avions envie de poser au ministre Sanoussy Bantama Sow, mais jamais, nos requêtes ont connu une suite favorable.

Nombreux artistes qui tombent malades sont obligés de lancer un SOS sur les réseaux sociaux pour se faire soigner. D’autres pour faute de répondants, périssent pitoyablement avec beaucoup de remords lisibles dans les yeux. Pauvre de nous ! Le monde de la culture guinéenne, un enfer voilé.

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