Evgueni Prigojine et Wagner, après la rébellion, l’exil ?

Deux jours après être entré en conflit avec l’armée russe, déployant ses hommes vers Moscou, le patron de Wagner a fait volte-face, sous la pression du Kremlin. Celui-ci a annoncé lui avoir offert l’exil. Mais le feuilleton n’est peut-être pas fini.

Samedi 24 juin, Evgueni Prigojine l’assurait, dans des vidéos aux allures martiales sur ses réseaux sociaux : ses hommes et lui ne reculeraient devant rien pour prendre le contrôle de l’appareil militaire russe, coupable selon eux d’avoir attaqué une position de Wagner en Ukraine la veille et, plus globalement, de ne pas leur fournir le soutien logistique nécessaire.

Le patron des mercenaires russes expliquait alors qu’il n’hésiterait pas à utiliser ses 50 000 hommes, selon ses propres chiffres, et que ceux-ci détruiraient tout obstacle mis sur leur passage. Des mouvements de troupes avaient été signalés, jusqu’à 400 kilomètres de Moscou, où Vladimir Poutine avait été forcé à réagir. Qualifiant l’acte de Prigojine de « rébellion », le président avait parlé d’un « couteau dans le dos du pays ».

La justice russe annonçait quant à elle lancer des poursuites à l’encontre de Prigojine et de ses hommes. Le chef de Wagner, dans une nouvelle communication partagée sur ses chaînes Telegram, avait alors réitéré ses accusations à l’encontre du pouvoir et de l’armée russe, qu’il avait notamment accusé d’avoir abandonné Wagner en Afrique et d’avoir détourné les fonds destinés à aider les pays du continent, notamment le Mali et la Centrafrique.

Volte-face

Puis, de façon surprenante, la tension est retombée, alors qu’elle était à son comble. Le Kremlin a annoncé dans la soirée avoir trouvé un accord avec Evgueni Prigojine. Selon cette déclaration, le patron de Wagner aurait accepté de quitter l’Ukraine pour la Biélorussie, où il devrait vivre une sorte d’exil doré. Il emmènerait avec lui les mercenaires ayant participé à sa courte insurrection.

En échange, ceux-ci, tout comme comme leur chef, ne seraient pas poursuivis. Les troupes de Wagner n’ayant pas pris part à l’acte de rébellion pourraient être intégrées à l’armée russe régulière et continuer à se battre sur le front ukrainien. Dimanche 25 juin, selon certaines informations, Evgueni Prigojine aurait déjà pris le chemin de la Biélorussie, principal pays allié de Moscou dans sa guerre contre l’Ukraine. Il devrait y être accueilli par le président Alexandre Loukachenko, qui se poserait alors en garant d’un accord entre le patron de Wagner et le Kremlin.

Fin de l’histoire ? Beaucoup d’observateurs en doutent, tant l’épisode de cette rébellion semble avoir porté un coup à la toute-puissante apparente de Vladimir Poutine. Le président russe pourra-t-il se contenter d’une forme d’exil en Biélorussie pour son ancien cuisinier ? « C’est un apaisement provisoire mais cette cohabitation paraît impossible. Poutine sait qu’il doit se montrer intransigeant envers les actes de rébellion, au risque de les voir se multiplier », confie un spécialiste de la Russie contacté par Jeune Afrique.

Monnaie d’échange

Le maître du Kremlin doit-il sacrifier son encombrant lieutenant ? Ou va-t-il l’épargner, au nom d’intérêts supérieurs et au risque de passer pour faible ? Prigojine dispose d’atouts non négligeables, au rang desquels figure son implantation en Afrique. Au Mali et en Centrafrique, son groupe est présent depuis plusieurs années, poursuivant des intérêts privés tout en favorisant ceux du Kremlin. Il a favorisé la perte d’influence, en particulier dans la zone sahélienne, de la France ainsi que le creusement du fossé qui sépare actuellement Paris et Bamako.

Une réussite qui pourrait servir de monnaie d’échange à Prigojine dans l’éventualité, très probable, où son conflit avec Vladimir Poutine se poursuivrait. « Il va falloir mesurer à quel point les hommes de Wagner sont fidèles à leur chef ou s’ils sont intégrables à l’armée russe. S’il peut compter sur la fidélité de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, Prigojine peut faire valoir des atouts comme l’implantation en Afrique de sa machine de propagande, dont le Kremlin n’aura pas envie de se passer », conclut notre expert.

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