Souveraineté nationale : le paradoxe des Etats donneurs de leçons

Par ces temps de crise sanitaire, l’heure n’est pas tellement à la Politique politicienne, c’est surtout le temps de la Politique de gestion et de sortie de cette crise du Covid 19. On ne peut cependant s’empêcher de faire juste une remarque, sans donc faire de grands développements, sur la décision de la Côte d’Ivoire de ne plus reconnaître la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en ne reconnaissant donc pas son autorité. Cette remarque est à situer dans le contexte de la souveraineté d’un Etat africain, à laquelle cette décision de la Côte d’Ivoire renvoie. On se souvient que la Côte d’Ivoire, à travers son Président, était annoncée dans une délégation de Chefs d’Etats africains devant venir en Guinée pour en dernière instance infléchir la position du Président guinéen de traduire en réalité l’expression de la volonté souveraine du peuple de Guinée sur sa destinée à travers un référendum !

En d’autres termes, on essaie de faire pression sur un Etat, ou plus précisément on le conseille gentiment, pour qu’il renonce à une manifestation de souveraineté et quand il s’agit de soi-même, on oublie de s’appliquer ces conseils, et mieux on montre avec force que sa souveraineté n’est pas à négocier en refusant en l’occurrence de suivre la demande formulée par la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant sur l’annulation des poursuites judiciaires contre un candidat à l’élection présidentielle ivoirienne. Non seulement on ne se conforme pas à la demande de cette Cour, mais on décrète qu’on ne reconnait plus son autorité, car les Tribunaux ivoiriens ont proclamé une décision souveraine et il n’est pas question de créer «une grave perturbation à l’ordre juridique interne» qui découlerait donc d’un abandon de souveraineté par application de la décision de cette Cour africaine. Pourtant le Président guinéen avait lui accepté de décaler de 3 semaines le scrutin prévu dans son pays pour permettre à une Instance africaine, en l’occurrence la CEDEAO et par ricochet l’Union Africaine, de venir faire part de son expertise par rapport à ce scrutin, montrant ainsi la grande considération qu’il a pour une Instance dont son pays est membre et faisant par ailleurs preuve d’ouverture et de transparence dans l’expertise de la démarche suivie afin de prouver qu’elle correspond bien aux normes en la matière, et si ce n’était pas le cas, s’enrichir de l’expertise de cette Instance africaine dans la mise en œuvre de la souveraineté de son pays.

Pour un Etat comme la Côte d’Ivoire, érigé en donneur de conseils ou de leçons à la Guinée, on était en droit de s’attendre à ce minimum consistant à confronter ses points de vue avec ceux de cette Instance africaine, sans pour autant renoncer à l’exercice de sa souveraineté. Ce minimum n’ayant pas été le cas, ces événements nous démontrent donc qu’on essayait de donner des conseils ou leçons au Président guinéen qui, en réalité, était plus démocrate et plus à l’écoute objective que ses interlocuteurs investis dans les conseils ou leçons ! En d’autres termes, il ne s’agit pas de dire ici que la Côte d’Ivoire a tort dans ses décisions de souveraineté, on va juste constater qu’elle a fait moins que la Guinée pour laquelle elle avait des leçons ou conseils de conciliation à prodiguer, et par ailleurs elle a fini par se rendre compte que la souveraineté n’est pas négociable !

Étonnant quand même, par ailleurs, ce silence des acteurs politiques guinéens thuriféraires du Président ivoirien qu’ils encensaient et le donnaient en exemple à suivre, étonnant leur silence dans cette décision de leur champion de ne plus reconnaître une Instance africaine qui les concerne en tant qu’acteurs politiques africains ! Après le Sénégal face à une décision de souveraineté dans la gestion de la santé de son peuple qui lui valut le courroux de la France, après la Côte d’Ivoire face à sa décision de souveraineté ci-dessus relatée, peut-on encore tromper des Guinéens en leur faisant croire que leur Etat devait quémander sa souveraineté en se pliant aux desiderata de l’Etranger !

Ibrahima Sory Kéita

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