Idriss Deby Itno, l’homme qui voulait vaincre les djihadistes dans le Sahel

Idriss Deby dirige le Tchad de 1990 à 2021
Légende image,Idriss Deby dirige le Tchad de 1990 à 2021

Idriss Deby aura dirigé le Tchad de 1990, année de sa prise du pouvoir des mains d’Hissène Habré, le président qu’il a évincé avec une rébellion, à sa mort des suites de blessures au front contre des rebelles qui aussi tentaient de le renverser.

Malgré sa victoire avec 80% des voix selon les résultats provisoires rendus publics mardi, le Maréchal tchadien n’entamera pas son sixième mandat à la tête de son pays : il est mort des suites de blessures au front, selon le Conseil militaire de transition. Considéré comme un autocrate par certains, il était aussi vu comme un rempart contre le terrorisme et instabilité dans le Sahel. Qui était cet homme qui a tant marqué l’histoire de son pays ?

Idriss Deby Itno, le président du Tchad, est mort : à quoi doit-on s’attendre?

Rempart contre l’insécurité dans le Sahel

Sous Deby, le Tchad a joué un rôle important, et parfois controversé, dans la stabilisation de la région, déployant par exemple des soldats en République centrafricaine dans un contexte de violence intercommunautaire, ainsi que dans le nord-est du Nigeria et dans d’autres parties du Sahel pour combattre les groupes djihadistes.

Lorsque l’armée nigériane peinait à empêcher les insurgés de Boko Haram de s’emparer de pans entiers de territoire dans le nord-est du Nigeria en 2015 et que l’insécurité s’est propagée autour d’autres pays bordant le lac Tchad, Deby a envoyé ses troupes au Nigeria.

Les forces tchadiennes ont également joué un rôle important dans la force G5-Sahel, forte de 5 000 hommes, mise en place après l’intervention de la France au Mali en 2013 pour mettre fin à une prise de contrôle par des groupes djihadistes.

Avec la mort d’Idriss Deby, la France perd un allié de taille dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. En 2019, la France est intervenue au Tchad pour stopper l’avancée de colonnes rebelles qui menaçaient de renverser son partenaire stratégique pour la sécurisation du Sahel.

L’armée tchadienne est considérée comme efficace, mais elle fait l’objet d’accusations de violations des droits de l’homme et d’utilisation d’enfants soldats.

Deby semble également avoir défini la façon dont les batailles sont menées dans la région – lorsqu’il a dirigé les forces tchadiennes contre la puissance militaire de la Libye en 1987.

Idriss Deby est un militaire de formation
Légende image,Idriss Deby est un militaire de formation

Dans ce qui est connu sous le nom de « guerre de Toyota », il a utilisé des pick-up à grande vitesse armés de missiles et de mitrailleuses lourdes pour vaincre les Libyens, une tactique désormais souvent utilisée dans la région.

En tant que commandant militaire et en tant que président, il était craint – les gens disaient qu’il avait une aura qui signifiait qu’ils ne voulaient pas avoir affaire à lui.

Et il n’hésitait jamais à sévir dès qu’il y avait une menace quelconque.

C’est facile à croire d’après les photos – il est grand, imposant, d’allure quelque peu hautaine – mais on dit aussi qu’il était rusé en matière de diplomatie.

En tant que commandant militaire et en tant que président, il était craint – les gens pensaient qu’il avait une aura et qu’ils ne voulaient pas avoir affaire à lui.

Et il n’hésitait jamais à sévir dès qu’il y avait une menace quelconque.

C’est facile à croire d’après les photos – il est grand, imposant, d’allure quelque peu hautaine – mais on dit aussi qu’il était rusé en matière de diplomatie.

Des ressources pétrolières dilapidées

Certains critiques disent que son plus grand échec a été de faire passer son clan avant son pays.

Mais c’est son héritage en ce qui concerne le pétrole du Tchad qui est considéré comme sa plus grande occasion manquée.

Le Tchad est devenu une nation productrice de pétrole en 2003 avec l’achèvement d’un oléoduc de 4 milliards de dollars reliant ses champs pétrolifères aux terminaux de la côte atlantique.

Malgré ses ressources pétrolifères, le Tchad est néanmoins 187e sur 189 au classement de l’indice de développement humain (IDH) de l’ONU.

Selon les observateurs, Deby a dilapidé des milliards et des milliards de dollars de la richesse pétrolière et n’a pas entrepris de grand chantiers de développement dans un pays où la pauvreté est omniprésente.

Au Tchad, selon l’Organisation mondiale de la santé, il y a moins de quatre médecins pour 100 000 habitants.

Chef rebelle et putschiste

Idriss Deby Itno
Légende image,Idriss Deby Itno

Des libertés confisquées

Freedom House, a classé le Tchad comme « non libre » dans son dernier rapport de 2019.

Le groupe de réflexion basé aux États-Unis a noté le Tchad à seulement 17/100 dans son analyse annuelle des droits politiques et des libertés civiles, notant par exemple un manque d’ouverture et de transparence dans la façon dont le gouvernement fonctionne, entre autres préoccupations.

L’organisation NetBlocks qualifie le Tchad de « champion du monde du blocage d’Internet » avec 12 mois de restrictions en 2019.

Le président tchadien Idriss Deby Itno
Légende image,Le président tchadien Idriss Deby Itno a été nommé maréchal par le parlement, le plus haut grade militaire du pays, après avoir mené une offensive contre les djihadistes en août 2020.

Les années de jeunesse

Né en 1952 à Fada dans le Nord du Tchad, Déby entre à l’école d’officiers d’active de N’djamena (1975-1976) après un Baccalauréat scientifique. Il intègre ensuite l’Institut Aéronautique d’Amaury la Grange de Hazebruk en France. Devenu pilote de transport, diplômé en parachutisme, Idriss Déby retourne au Tchad en 1979, en pleine guerre civile.

Il prend le pouvoir le 1er décembre 1990 à la tête d’une rébellion, le Mouvement patriotique du Salut qui sera plus tard transformé en parti politique. Mais l’inimitié entre Idriss Déby et Hissène Habré n’a commencé qu’à partir du 1er avril 1989, à seulement une année et demi de la chute d’Hissène Habré. Avant cela, les deux hommes étaient des alliés.

En effet, Déby et Habré ont combattu ensemble le gouvernement d’union nationale de transition de Goukouni Wedeye, qui se réfugie en Algérie après sa chute en 1982.

L'armée tchadienne est présente dans plusieurs théâtre d'opération du Sahel
Légende image,L’armée tchadienne est présente dans plusieurs théâtre d’opération du Sahel

Sous Deby, le Tchad a joué un rôle important, et parfois controversé, dans la stabilisation de la région, déployant par exemple des soldats en République centrafricaine dans un contexte de violence intercommunautaire, ainsi que dans le nord-est du Nigeria et dans d’autres parties du Sahel pour combattre les groupes djihadistes.

L’armée tchadienne est considérée comme efficace, mais elle fait l’objet d’accusations de violations des droits de l’homme et d’utilisation d’enfants soldats.

Avec la mort d’Idriss Deby, la France perd un allié de taille dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel.

En 2019, la France est intervenue au Tchad pour stopper l’avancée de colonnes rebelles qui menaçaient de renverser son partenaire stratégique pour la sécurisation du Sahel.

Le Tchad est l'un des pays les plus pauvres du monde
Légende image,Le Tchad est l’un des pays les plus pauvres du monde

Commandant des forces armées tchadiennes à 31 ans

En 1981, Idriss Déby est nommé chef d’état-major adjoint des forces armées du Nord (les FAN) d’Hissène Habré à seulement 29 ans.

Mais dès la prise de pouvoir d’Hissène Habré, il le promeut en 1983 commandant en chef des Forces armées nationales tchadiennes, les FANT.

Avec Idriss Deby à leur tête, l’armée tchadienne mettra plusieurs années pour pacifier la zone méridionale du pays où écumaient plusieurs groupes rebelles connus sous le nom de Codo, pour désigner des commandos se réclamant du général Wadal Abdelkader Kamougué qui finira lui aussi par s’exiler au Congo puis au Gabon.

Promu ensuite au grade de Colonel, Déby se rend en France où il suit les cours à l’Ecole Supérieure de Guerre Inter-Armées de 1986 à 1987.

De retour au pays, il est nommé par Habré Conseiller à la Présidence de la République chargé de la défense et de la sécurité, et en même temps, Commissaire aux Armées, puis à la Sécurité au sein du Bureau Exécutif du Comité Central de l’UNIR, le parti unique de l’époque.

Le maréchal Idriss Deby Itno, président du Tchad, 1952-2021
Légende image,Le maréchal Idriss Deby Itno, président du Tchad, 1952-2021

Chef rebelle et putschiste

Le désaccord avec Hissène Habré commence le 1er avril 1989 lorsque Idriss Déby, Hassan Djamouss et Mahamat Itno, tous des proches d’Habré sont accusés de complot.

Si les deux autres ont été rattrapés et tués, Idriss Deby réussit à fuir au Soudan.

Il a fui le pays et s’est retrouvé en Libye où il a passé un accord avec le colonel Mouammar Kadhafi – un ennemi de Habré – qui l’a aidé à lancer sa rébellion en échange d’informations sur les opérations de la CIA au Tchad. (Ceci est tiré de la notice nécrologique de BBC Afrique – est-elle fausse ?)

Avec l’aide des autorités soudanaises, il fonde à Khartoum en mars 1990 sa rébellion, le Mouvement patriotique du salut (MPS).

La même année, en décembre 1990, il chasse Hissène Habré du pouvoir. C’est le début de la plus longue présidence dans l’histoire des présidents tchadiens, et d’une des plus longues du continent africain.

Il a fait face à de nombreux défis et à de nombreux complots de coup d’État au cours des trois dernières décennies.

En 2006, les rebelles se trouvaient juste devant son palais et lançaient des grenades par-dessus le mur. En 2008-2009, alors que d’autres combattants avançaient, il a creusé une énorme tranchée autour de la ville et a abattu tous les grands arbres qui bordaient les avenues pour les empêcher de pénétrer à nouveau dans la ville.

Ce règne a pris fin le 20 avril 2020 au moment où les résultats provisoires de la présidentielle de 2021 lui ouvraient la voie à un sixième mandat. Ce scrutin a été boycotté par d’importants leaders de l’opposition tchadienne qui dénoncent ce qu’il voyaient comme l’exclusion de certains d’entre eux ainsi qu’un processus électoral biaisé.

e président tchadien Idriss Deby Itno (G) décore le général du contingent tchadien au Mali Oumar Bikimo (G) et le commandant en second Mahamat Idriss Déby Itno, son fils (C) lors de la cérémonie de bienvenue. Ndjamena, le 13 mai 2013. AFP PHOTO / STR
Légende image,Le président tchadien Idriss Deby Itno (G) décore le général du contingent tchadien au Mali Oumar Bikimo (G) et le commandant en second Mahamat Idriss Déby Itno, son fils (C) lors de la cérémonie de bienvenue. Ndjamena, le 13 mai 2013.

30 ans à la tête du Tchad

Durant ses 30 ans de présidence, celui qui est devenu maréchal en avril 2020 en pleine guerre contre le terrorisme au Sahel, aura remporté six élections : en 1996, 2001, 2006, 2011 et 2016 et 2021. Mais il n’entamera pas son dernier mandat.

En 2021, fin de son 5ème mandat, Déby aura passé 31 ans au pouvoir. Lors de la campagne électorale, le président Déby a promis, s’il était réélu de modifier la constitution pour limiter à deux le nombre de mandats.

Le président Déby avait fait sauter le verrou de limitation de mandat par l’Assemblée nationale en 2005.

Le régime fort de Deby a contenu certaines pressions politiques, sociétales et de développement profondément sous-jacentes au Tchad. Cependant, elles n’ont pas été résolues – et sa mort pourrait signifier une énorme incertitude pour le pays.

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