Si rien n’est fait d’ici à 2030, il y aura 439 000 000 de diabétiques dans le monde, soit une prévalence de 7,8 % ….

Docteur BAH Amadou, endocrinologue actuellement Médecin-chef du service de diabétologie, endocrino et maladies métaboliques à l’hôpital national Donka reçoit ce matin la rédaction de www.kenenyinews.com. Avec lui, nous parlons du diabète qui constitue un véritable challenge sanitaire en République de Guinée.

Décryptage…

Kenenyinews.com : Bonjour Dr. ! d’entrée de jeu, qu’est-ce que c’est que le diabète et pourquoi le qualifie-t-on de tueur silencieux ?

Dr. BAH : Globalement le diabète est une maladie métabolique comme toutes les autres maladies, mais qui est liée à une hyperglycémie chronique relevant des facteurs génétiques et environnementaux agissant souvent de concert. C’est ainsi que l’Organisation Mondiale de la Santé définie le diabète.

Mais la notion d’hyperglycémie chronique a une valeur importante dans le diabète, elle est soit liée à un défaut de sécrétion d’insuline par le pancréas, soit un défaut de l’action d’insuline au niveau des tissus cibles, soit à l’association des deux à la fois ; ce qui entraine le diabète sucré.

Il est qualifié de tueur silencieux parce que ce n’est pas le jour de sa découverte chez un adulte que l’intéressé a été diabétique. L’intéressé commence à développer des hyperglycémies modérées. Dans les critères diagnostiques du diabète, une glycémie à 8 heures de jeûne supérieure à 1,26 grammes par litre; on peut déclarer l’intéressé diabétique. Mais quand les glycémies sont autour de 1,50 grammes par litre; 1,60 grammes par litre;1,80 grammes par litre, le malade est diabétique sans signes cliniques. Et le nombre d’années fait dans ces hyperglycémies peut entrainer brutalement une complication liée au diabète ; et chez certaines personnes c’est lors de la découverte de la complication du diabète ; qu’on se rend compte qu’elles sont diabétiques. Le malade vient à l’hôpital pour une consultation par rapport à une autre maladie, après les bilans le médecin découvre qu’il est diabétique alors qu’il a développé une plaie diabétique qui est déjà une complication diabétique. Ou l’intéressé a une plaie qu’il a géré pendant longtemps qui ne guéri pas, ou parfois c’est lors de la gestion d’un coma qu’on découvre que l’intéressé est diabétique ces genres de malades ont été diabétiques pendant plusieurs années avant que la maladie ne se déclenche. Même si on décèle la maladie pendant sa gestion, le malade ne ressent aucune douleur.

Chez nous en Afrique, tant que tu n’as pas mal, tu n’as pas besoin de médecin. C’est une maladie du sang qui évolue dans le corps, qui au fur et à mesure détruit les petits vaisseaux, les nerfs, les veines sans que le malade ne s’en rende compte. La guinée à l’instar des autres pays, c’est le service de la médecine du travail qui passe dans les entreprises pour procéder à des visites systématiques annuelles qui décèle beaucoup de diabétiques qui s’ignoraient diabétiques.

Kenenyinews.com : Existe-t-il plusieurs de types de diabètes, si oui lesquels ?

Dr. BAH : Il existe quatre types de diabètes. Le diabète de type 1 qui est le diabète de l’enfant à partir d’un an jusqu’à trente-cinq ans. Si tu es de cette tranche d’âge on te met comme diabétique de type 1. C’est le diabète qui a besoin de l’insuline parce que chez l’enfant il y a un manque d’insuline. Il y a le diabète de type 2 qui est le diabète de l’adulte, c’est là qu’intervient la notion d’hyperglycémie chronique. Les 90 % des diabétiques sont de type 2. Nous avons le diabète gestationnel ou le diabète de la femme en grossesse. Pendant la conception, il y a des femmes qui peuvent développer le diabète, à l’accouchement la glycémie se normalise et si elles ne sont pas surveillées elles resteront diabétiques après. Nous avons les autres types de diabètes qui englobent beaucoup d’affections qui entrainent secondairement le diabète. L’utilisation abusive des dermocorticoïdes par les jeunes dames et les filles pour se blanchir la peau peut entrainer le diabète. Il y a également la prise de certains médicaments pour prendre du poids (la corticothérapie) peuvent développer le diabète. Nous avons l’hyperthyroïdie et les maladies endocriniennes qui peuvent développer le diabète.

Kenenyinews.com : Comment diagnostique-t-on cette maladie ?

Dr. BAH : Actuellement on fait le diagnostic avec des équipements simples qu’on appelle les lecteurs de glycémie avec des bandelettes. Le malade, une fois à l’hôpital, après 8 heures de temps de jeûne on fait une glycémie capillaire dès que cette glycémie dépasse les 1,10 grammes par litre à deux reprise on peut déclarer l’intéressé diabétique. Après 8 heures de temps de jeûne on fait un prélèvement veineux qu’on envoie au laboratoire et qu’on trouve que cette glycémie est supérieure ou égale à 1,26 grammes par litre, on peut le déclarer le malade diabétique. Ça c’est le premier critère.

Quand on prend la glycémie aléatoire à n’importe quel moment de la journée et que cette glycémie est supérieure ou égale à 2 grammes par litre avec présence de signes cliniques de diabète, le malade boit beaucoup d’eau, il sort plus de deux ou trois fois la nuit pour uriner, il mange et perd du poids et parfois il a des troubles visuels, on peut déclarer l’intéressé diabétique. Ça c’est le deuxième critère.

Ou on fait le test d’hyperglycémie provoquée par voie orale au laboratoire si la glycémie est supérieure ou égale à 2 grammes par litre ; le malade est déclaré diabétique. Ça c’est le troisième critère

Mais nous avons les circonstances de découverte de diabète. Il y a les circonstances cliniques qui sont : le malade boit beaucoup, urine fréquemment, mange beaucoup et perd du poids.

Dès que le malade développe ces signes, il faut faire systématiquement la glycémie. Mais cependant dans le diabète de type 2 on peut être diabétique sans avoir aucun signe d’où la nécessité de faire le dépistage.

Par contre chez les enfants, ces signes cliniques sont présents directement. Dès qu’il y a l’hyperglycémie, l’enfant commence à boire beaucoup d’eau, urine au lit, est fatigué et ne joue plus. Dès que vous constatez ça chez un enfant, faites-lui la glycémie et si la glycémie très élevée il faut l’envoyer à l’hôpital pour une prise en charge immédiate. Sinon il peut développer le coma et parfois même ça peut lui être fatal.

Kenenyinews.com : À l’échelle nationale, quelle est la couche la plus touchée en termes de tranche d’âge par cette pathologie ?

Dr. BAH : Pour le moment, nous ne disposons pas d’études concernant la couche la plus touchée en termes de tranche d’âge. Le diabète de type 2 qui est celui de l’adulte est beaucoup plus fréquent que le diabète de type 1. Mais actuellement en Guinée on a autour de 1000 enfants suivis dans un programme de diabète de l’enfant financé par une firme pharmaceutique appelée Novo Nordisk qui fabrique de l’insuline. Les fonds générés par la vente de ces insulines sont reversés aux pays à faible revenu comme la guinée et d’autres pays africains où on fournit gratuitement le traitement du diabète des enfants. C’est à cause de ces enfants qu’on a pu avoir une unité de diabétologie à l’hôpital régional d’ENTA. Dans le monde les diabétiques de type 2 sont les plus nombreux.

Kenenyinews.com : Pouvez-vous nous dresser le pourcentage de personnes atteintes en tenant compte du sexe ?

Dr. BAH : En guinée nous ne disposons pas d’une étude de prévalence typique qui couvre tout le pays.

Mais en 2009, on avait fait une étude STEP en basse-guinée rurale qui nous a donné 6,6 % de diabète en guinée. C’est grâce à cette étude qu’on a eu le programme national de lutte contre le diabète. En 2010 il y avait 285 000 000 de personnes atteintes du diabète dans le monde, soit 6,6 % de diabétiques dans le monde.

Si rien n’est fait d’ici à 2030, il y aura 439 000 000 de diabétiques dans le monde, soit une prévalence de 7,8 % dans le monde selon la Fédération Internationale de Diabète. Dans les pays les moins avancés ou à faible revenu, 80 à 90 % des patients ne sont pas diagnostiqués. Dans nos consultations et nos hospitalisations, le pourcentage des femmes est plus élevé que celui des hommes.

Kenenyinews.com : Quels sont les facteurs favorisants cette maladie ?

Dr. BAH : Les facteurs favorisants le diabète sont : l’âge, la sédentarité, l’obésité, l’hypertension artérielle, l’usage du tabac, l’usage abusif de l’alcool et le stress. Le problème du diabète est un problème d’hygiène de vie.

Kenenyinews.com : Comment éviter cette pathologie ?

Dr. BAH : Il faut surveiller l’alimentation, avoir une activité physique, éviter la consommation de tabac sous toutes les formes. Pour cela il faut manger moins salé ; moins gras et moins sucré pour maintenir sa santé surtout quand on commence à prendre l’âge.

Kenenyinews.com : Que pouvez-vous recommander aux populations guinéennes afin de jouir d’une bonne santé ?

Dr. BAH : Ne pas attendre qu’on soit malade pour venir à l’hôpital. C’est vrai que la santé a un coût, mais mieux vaut prévenir que guérir. Dans la gestion de ces maladies chroniques, il faut avoir un équilibre alimentaire bien stable. Prendre son petit-déjeuner ; prendre le repas du jour, manger léger soir et consommer beaucoup de fruits et de légumes, pratiquer une activité physique de 30 minutes deux à trois fois par semaine et faire un bilan de santé.

Interview réalisée par BAYO Ibrahima Kalil

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