Coup d’État au Niger : il déclenche une lutte d’influence entre la Russie et l’Occident
Les forces armées du Niger, pays riche en uranium et enclin aux coups d’État, ont évincé Mohamed Bazoum le 26 juillet en invoquant l’aggravation de la situation sécuritaire liée à la violence djihadiste, à la corruption et aux difficultés économiques.
Le chef de la junte, le général Abdourahmane Tchiani, a mis en garde le bloc régional, la CEDEAO, et ses alliés contre une intervention militaire visant à rétablir Bazoum dans ses fonctions. Le putsch au Niger est le dernier en date en Afrique marquant un déclin constant de la démocratie selon plusieurs observateurs. Au cours des quatre dernières années, des militaires se sont emparés du pouvoir au Mali, au Burkina Faso, en Guinée, au Tchad et au Soudan.
Ce coup d’État au Niger est particulièrement inquiétant pour la région du Sahel où les forces armées avec leurs partenaires occidentaux mènent une offensive contre les djihadistes du groupe Etat islamique et d’Al-Qaïda. Niamey est devenu un pivot essentiel pour les opérations anti djihadistes après que le Mali et le Burkina Faso, deux pays du Sahel, ont renoncé à la collaboration avec les forces françaises pour établir des liens plus étroits avec la Russie. Le Mali a ensuite rompu son partenariat avec les soldats onusiens engagés sur son sol évoquant des résultats pas convaincants depuis le début de la collaboration.
Ce pays de 26 millions d’habitants et dépendant fortement de l’aide étrangère est une porte d’entrée pour les migrants qui effectuent la dangereuse traversée de la Méditerranée vers l’Europe. Les criminels qui font passer des migrants par le Niger pourraient également exploiter la crise sécuritaire.
La Russie cherche à étendre son influence
Le coup d’État crée un espace que la Russie et Wagner pourraient exploiter pour évincer l’Occident. Certains des manifestants en soutien à la junte ont marché le 27 juillet à Niamey, la capitale, brandissant des drapeaux russes comme c’est déjà le cas lors des putschs enregistrés au Mali et au Burkina Faso. Le leader de Wagner, Yevgeny Prigozhin, a soutenu le coup d’État au Niger et proposé son aide aux nouvelles autorités de Niamey. « Ce qui s’est passé au Niger n’est rien d’autre que la lutte de son peuple contre les colonialistes », a fait savoir M. Prigozhin, dans une déclaration partagée par des utilisateurs de Telegram en Russie. La chaîne Telegram Orkestr Wagnera (Orchestre Wagner), liée à Wagner, ajoute que le coup d’État était un signe que Prigozhin continuait à « renforcer les positions et l’influence de la Russie et de Wagner en Afrique ».Auparavant, Prigozhin avait annoncé son intention d’accroître sa présence en Afrique après avoir déployé des mercenaires en République centrafricaine en 2018, opéré au Soudan jusqu’en 2020 et établi une présence au Mali à la fin de 2021.
Le ministère russe des Affaires étrangères a exhorté « les parties au conflit […] à résoudre tous les différends par un dialogue pacifique et constructif ». Toutefois, certains commentateurs pro-Kremlin bien connus ont salué le coup d’État, estimant qu’il pourrait profiter à la Russie. Un lien de collaboration entre le Niger et la Russie se révélera désastreux pour les États-Unis et la France. Le départ des forces occidentales marquera un déclin dramatique, un recul stratégique et renforcera l’influence croissante de la Russie dans la région.
Le partenaire le plus important de l’Occident tombe
Le Niger accueille 1 500 soldats français qui faisaient initialement partie d’une vaste opération militaire dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Leur sort est désormais incertain si la junte cherche à nouer des liens avec la Russie. Face à l’escalade du sentiment anti-français dans certaines anciennes colonies, notamment au Mali et au Burkina Faso, Paris a retiré la plupart de ses troupes du Mali et du Burkina Faso. Une prise de pouvoir militaire au Tchad, jusqu’alors proche allié, a davantage affaibli l’alliance. Depuis la prise de pouvoir par la force par les hommes du Général Tchiani, la France et l’Union européenne ont suspendu leur coopération en matière de sécurité et leur aide financière au Niger. En février, l’UE a annoncé une mission de formation militaire de 30 millions de dollars au Niger.
Les États-Unis, qui disposent d’un millier de militaires et d’investissements considérables, sont confrontés à un dilemme concernant leur future alliance de sécurité avec le Niger. Le pays a dépensé 500 millions de dollars entre 2012 et 2021 pour l’assistance militaire et l’équipement du Niger, a annoncé Washington, l’un des plus grands programmes d’assistance à la sécurité en Afrique sub-saharienne. Les forces américaines font voler des drones de surveillance et des drones armés depuis la région d’Agadez, dans le nord du pays, à la suite d’un accord avec le Niger visant à améliorer la réponse aux menaces sécuritaires dans la région. Les troupes américaines organisent également des exercices militaires annuels, appelés Flintlock, avec diverses armées africaines. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré que « des centaines de millions de dollars d’assistance » au Niger étaient menacés. Outre l’Italie, l’Allemagne dispose également d’un peu plus de 100 soldats stationnés au Niger. Désormais, souligne un rapport de l’hebdomadaire allemand de centre-gauche Hamburg Die Zeit, c’est le partenaire le plus important de l’occident et dernier bastion des Etats-Unis et de l’Europe sur une étendue de terre d’une importance stratégique considérable qui tombe. Sans le soutien militaire de l’Occident, la force régionale du G5 Sahel – dont la capacité a été réduite après le retrait du Mali en mai 2022 – risque d’avoir encore plus de mal à endiguer la vague de violence djihadiste qui se propage dans le Sahara.